> Littérature orale « Chantre de chasseurs mandingues » (Agnes Kedzierska-Manzon)

Les chasseurs mandingues (donsow) jouissent d’un statut social particulier. Ils sont craints et respectés du fait de la nature même de leurs activités (mise à mort d’êtres vivants), en raison de leur expertise rituelle et de la connotation ambivalente – à la fois dangereux et bénéfique – de l’espace où ils évoluent : la brousse (cf. Kedzierska Manzon 2009). Ils appartiennent à une société initiatique (donsoton) se distinguant d’autres sociétés cultuelles par le fait qu’elle met en suspens le principe de l’âge et la hiérarchie sociale basée sur le critère de la naissance. L’initiation à cette société, qui intervient après une longue période d’apprentissage du jeune chasseur (karanden) auprès d’un maître-chasseur expérimenté (karamᴐgᴐ), consiste en un pacte d’alliance entre l’adepte et les divinités tutélaires de la chasse. Le pacte est scellé par les sacrifices (principalement les noix de colas et la volaille) effectués sur l’autel (dankun) situé en dehors du village. Il est ensuite régulièrement réactualisé à travers d’autres sacrifices. Les chasseurs sont par ailleurs amenés à respecter un nombre assez important d’interdits, qu’ils soient alimentaires, sexuels, ou liés à leur vie quotidienne. Ils sont réputés être de fins spécialistes dans le domaine des savoirs occultes : géomancie (cɛnda), pharmacopée jirilon, fura), usage des « fétiches » (basiw, boliw), et des incantations (krisiw).

Les moments forts de la vie de la société des chasseurs consistent en sacrifices annuels en l’honneur des divinités tutélaires de la chasse (dankunsᴐn) ainsi qu’en sacrifices à l’occasion de l’initiation des nouveaux membres. Des événements majeurs de la vie (mariages par exemple), de même que l’échec ou la réussite cynégétique peuvent également donner lieu à des cérémonies. Les chasseurs observent en outre un cycle funéraire long et élaboré nécessaire pour apaiser les forces néfastes que leur activité semble susciter (Cissé 1994, Hellweg 2011, Kedzierska 2005).

Références

DERIVE Jean et DUMESTRE Gérard (eds), 1999, Des hommes et des bêtes : Chants de chasseurs mandingues, Paris, Classiques Africains.

KEDZIERSKA-MANZON Agnes, 2014, Chasseurs mandingues. Violence, pouvoir et religion en Afrique de l’Ouest, Paris, Karthala.

TRAORE Karim, 2000, Le jeu et le sérieux : essai d’anthropologie littéraire sur la poésie épique des chasseurs du Mandé (Afrique de l’Ouest), Köln, Rüdiger Köppe Verlag.