> Littérature orale « griots généalogistes et historiens » (Sandra Bornand)

Artisans du verbe et de la musique, les griots sont des gens dits « de caste », qui tiennent leur statut et leur métier de naissance.

Passé dans la langue française et dans le registre artistique européen, le terme ‘griot’ est souvent employé à tort pour désigner tout musicien et chanteur africain. Or, dans les cultures africaines qui connaissent cette catégorisation (principalement dans la région sahélienne de l’Afrique de l’Ouest), il désigne une catégorie socioprofessionnelle bien précise. Dans d’autres types de sociétés africaines (cf. Afrique centrale) aux structures sociales différentes et où l’exercice des arts musical et verbal repose sur d’autres critères, on les qualifie d’« aèdes ».

Originellement, avant les mutations entraînées par l’histoire moderne – le « griot » se situe, grosso modo, dans un type de société particulier, reposant sur une structure tripartie : 1) les gens d’origine libre ; 2) les gens d’origine servile ; 3) les gens dits « de caste » parce qu’endogames, regroupant les artisans (fer, cuir, etc.) et les « griots », artisans du verbe et de la musique. Comme les personnes de la première catégorie, ils tiennent, de naissance, leur statut et leur métier.

Cette troisième classe entretient une relation particulière avec les personnes d’origine libre : relation symbolique qui met ces derniers en situation de générosité « obligée » à l’égard des artisans/griots, et ceux-ci en position de « quémandeurs » naturels ; ce qui découle de la relation d’échange service vs numéraire, pour les artisans, et parole/musique vs prise en charge matérielle/numéraire, pour les « griots ».

A l’intérieur même de la classe des griots, chaque société distingue plusieurs catégories, de la plus élevée à la plus triviale :

• les détenteurs de l’histoire du groupe et, particulièrement, des familles disposant de l’autorité politique ou symbolique et auxquelles ils sont attachés (généalogies et devises des grandes familles, récits épiques). Ils sont généralement aussi musiciens ; sinon ils peuvent se faire accompagner par un griot de la catégorie suivante ;
• les musiciens et chanteurs se produisant dans toutes les cérémonies festives familiales ou publiques ;
• les louangeurs / pamphlétaires : s’adressant à quiconque, ils muent leurs louanges en critiques s’ils n’obtiennent pas la récompense escomptée ;
• enfin une dernière catégorie, marginale, assimilée à tort aux « griots », se livre à des obscénités verbales et gestuelles que, seul, un don peut faire cesser.

Références

BORNAND Sandra, 2005, Le discours du griot généalogiste chez les Zarma du Niger, Paris, Karthala.

CAMARA Sory, 1992, Gens de la parole, Paris, Karthala.

SEYDOU Christiane, 1972, Silâmaka et Poullôri, récit épique peul raconté par Tinguidji, Paris, Les Belles Lettres (coll. Classiques Africains n°13). +3 disques.