> Littérature orale « La société peule du Massina » (Christiane Seydou)

Le film a été tourné dans le Massina dans la Boucle du Niger. Cette région est parcourue par un grand réseau hydrographique et est sujette à une crue annuelle du fleuve extrêmement étendue. C’est une zone qui combine élevage, agriculture (principalement du riz) et pêche, activités assumées, respectivement surtout par les Peuls (Pullo (sg.) / Fulɓe (pl.)), les Bambara et les Bozo.

Le Massina a été le siège de ce qu’on appelle l’Empire peul du Massina (Dîna), instauré par Chêkou Âmadou et qui a duré de 1818 à 1862, date à laquelle l’Empire tomba sous les coups du conquérant toucouleur El-Hadj Oumar avant d’être réduit par la conquête coloniale. Cette période s’est caractérisée par l’instauration d’un pouvoir centralisé qui a mis en place toute une organisation administrative de la région et a établi l’islamisation des populations.

Si la structuration traditionnelle ancienne est remise en cause dans la société actuelle, des attitudes conventionnelles demeurent dans certains comportements interrelationnels. On comptait ainsi plusieurs catégories sociales étanches :

• les personnes de condition libre (dimo/rimɓe) parmi lesquelles l’aristocratie (les « fils-de-chefs » ɓiɓɓe Arɓe (sg. Arɗo), le titre de Arɗo désignant à l’origine un chef de fraction) ;
• les personnes de condition servile (prisonniers de guerre, personnes razziées, captifs achetés ou vendus) : les maccuɗo/maccuɓe (terme qui n’est quasiment plus employé, en tout cas dans ce sens, la situation ne s’y prêtant plus) et, pour les femmes, les korɗo / horɓe (« servante ») ;
• les descendants de captifs qui, nés dans la maison de leur maître, ne pouvaient plus être ni vendus ni donnés et qui pouvaient se racheter (diimaajo/riimaayɓe). Ce terme désigne des personnes d’origine ethnique très diverse mais de culture peule et il finit, actuellement, par être utilisé comme l’équivalent d’un nom d’« ethnie » ;
• un ensemble de classes socioprofessionnelles endogames : nyeenyo/nyeenyɓe, appelés aussi ‘nyamakala’ (emprunt au bambara), comprenant les artisans du cuir, des métaux, du tissage, et les différentes catégories de griots (musiciens et détenteurs des généalogies et de l’histoire) ;
• les personnes de culture peule, les Diawambé (Jaawanɗo/Jaawamɓe) qui assumaient principalement le rôle de courtiers pour les Peuls.

Outre cette hiérarchisation de la société, les Peuls de condition libre comptaient quatre clans (dont les noms varient d’une région à l’autre) ; au Massina on compte les Dialloubé (Dial, Diallo, Dikko…), les Ouroubé (Bâ, Diakité), les Fittôbé (Bari, Sangaré) et les Ferôbé (Sô, Sidibé). Avec l’islamisation, s’est ajouté le nom de Cissé, adopté par les lettrés dits « Môdibâbé ».

Anciennement, le mariage préférentiel de ego masculin se fait avec la fille du frère de la mère. A partir de l’islamisation, il a aussi été pratiqué le mariage dit « arabe », avec la fille du frère du père. Actuellement le choix est ouvert.

Références

DUPIRE Marguerite, 1970, Organisation sociale des Peuls, Paris, Plon.

SEYDOU Christiane, 1977, Bibliographie générale du monde peul, Etudes nigériennes, n°43.

SEYDOU Christiane, 1991, Bulletin de liaison des Etudes peules, n°2 (INALCO), Spécial bibliographie.