> Écrits du quotidien « Le SMS – vecteur de nouvelles pratiques langagières en Afrique »

Le petit texte du Short Message Service (SMS), envoyé d’un portable à un autre, est associé à la liberté linguistique et au langage parlé. Pour le composer, le scripteur peut puiser dans la totalité de son répertoire ; il peut raccourcir, abréger, inventer et alterner les langues comme il veut. Il en résulte de nouvelles façons d’écrire et d’abréger le français, dont certaines sont identiques à travers différents pays francophones. Des innovations locales émergent, comme les expressions plurilingues. Dans le contexte africain, le SMS entraîne aussi un usage écrit des langues et des variétés de langues habituellement utilisées uniquement à l’oral. Les personnes qui ne savent écrire que dans une langue africaine sont ainsi intégrées dans cette pratique urbaine de l’écrit, très à la mode aujourd’hui.

Lorsque le SMS a été introduit au Sénégal, il était gratuit et seulement une minorité de la population avaient un téléphone portable. Depuis, le nombre d'abonnements à la téléphonie mobile a connu une croissance extrêmement rapide, et il dépasse maintenant le nombre d'habitants au pays. Le SMS n'est plus gratuit, mais reste un type de communication privilégié où les scripteurs sénégalais mélangent wolof et français, anglais et arabe, ou bien, ils y épurent leur wolof et se servent de langues locales minoritaires. Les scripteurs jouent ainsi sur les rôles accordés aux langues, de même qu'ils leur en accordent de nouveaux : si le français a le statut de langue de l'amour, l'usage du wolof ou du peul peut donner une autre dimension au message romantique, et si les langues nationales sont populaires pour communiquer des vœux par SMS pour les fêtes musulmanes, ces messages peuvent aussi bien être écrits en français ou en ayant recours à l'arabe. Des langues associées à la communication orale obtiennent donc des fonctions à l'écrit à travers le SMS en même temps que le plurilinguisme écrit est mis en valeur, par exemple dans des innovations lexicales plurilingues. A partir de l'expression wolof namm naa la, qui signifie 'tu me manques', des constructions mêlant jusqu'aux trois langues apparaissent:

Je t fé du big namel (nammeel : 'nostalgie') ;
Names u ma puce ! (namm: 'nostalgie', -es: intégration morphologique artificielle à l'anglais, pour "faire anglais", u : you, 'toi') ;
G ta 90.3 (g: j'ai, 90.3: fréquence de la radio Nostalgie - 'j'ai ta nostalgie').

Bibliographie

DE BRUIJN Mirjam, Francis NYAMNJOH et BRINKMAN Inge (éds), 2009, Mobile Phones : The new talking drums of everyday Africa, Bamenda (Cameroun)/Leiden, LANGAA/Africa Studies Center.

VOLD LEXANDER Kristin, 2007, « Langues et SMS au Sénégal – le cas des étudiants de Dakar » in Jeanne GERBAULT (éd.) La langue du cyberespace : de la diversité aux normes, Paris, L’Harmattan, p. 59-66, http://www.osiris.sn/Kristin-Vold-Lexander-Langues-et.html

VOLD LEXANDER Kristin, 2011,« Voeux plurilingues électroniques – nouvelles pratiques, nouvelles fonctions pour les langues africaines ? », Journal of Language Contact, THEMA 3, p. 228-246.

http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/19552629-0000012