Ce petit film présente un court extrait de chants à la meule des femmes sénoufo enregistrés au Mali (sous-goupe sénoufo Supyiré). Il s’inscrit dans un corpus plus large sur les répertoires de chant féminins fondé sur un travail de terrain effectué en Côte d’Ivoire, au Mali et au Burkina Faso.
De nos jours, dans beaucoup de villages sénoufo, les meules sont encore utilisées par les femmes afin de réduire les céréales en une poudre très fine. La meule est disposée sur trois pierres permettant de la tenir en équilibre, à l’image des trois pierres du foyer que comporte chaque cuisine. La femme écrase les grains de mil à l’aide d’une pierre à moudre de taille plus réduite. Elle recueille régulièrement la farine obtenue dans un récipient posé à terre.
Seules ou en petits groupes, les femmes effectuent pour ce travail des mouvements de va-et-vient sur la meule en entonnant ces chansons très aiguës, qui bien souvent évoquent des réalités difficiles : la douleur de la mort, la pauvreté, l’amertume face à un destin injuste. Ici, comme dans d’autres sociétés où l’expression des émotions féminines est voilée, les chants de travail sont des fragments de littérature orale qui permettent aux femmes d’évoquer leur intimité de manière poétique et pudique.
Les chants à moudre (tere wunungo) forment un genre de la littérature orale remarquable par les thématiques qu’il évoque ainsi que par la variabilité des formes qu’il revêt. Si ce répertoire féminin laisse particulièrement affleurer la notion de souffrance, il permet à l’interprète d’évoquer une part de sa vie personnelle par une parole allégorique créative et libératrice.
LORILLARD Marie, 2012, « Cantar per moldre, cantar per no plorar : l’expressio del patiment femeni en l’entorn rural senufo », Quaderns de l’Institit catala d’Anthropologia, 28, p. 75-94.
LORILLARD Marie, 2013, Souffrances discrètes, fatigue ordinaire. Paris, IBIS PRESS, 213 p. + illustrations.
MOUNKAILA Fatimata, 2005, « Poésie de pilon et modèle socio-économique en mutation », Oralité africaine et création édité par Dauphin-Tinturier A.M., J. Derive, Paris, Karthala, p. 1017-1046.